Vivaldi m’apaise et m’accompagnera toute cette journée. Mon rituel matinal est immuable. Je commence par résoudre un problème tiré de mon livre d’échecs. La solution du jour fut facile à trouver. Il s’agissait d’une rupture de ligne, suivie d’un sacrifice de fou qui se termine par un mat du cavalier. On sonne, c’est Jean. Alors que les violons de Vivaldi se déchaînent dans un rythme endiablé, je le fixe. S’il ose fredonner un quelconque son, s’il imite le violon, je le vire sur-le-champ pour faute grave. Narguer son patron, c’est totalement inadmissible. Il pourra toujours se plaindre chez son syndicat, mais le code du travail sera de mon côté. En attendant, je n’ai rien à manger pour mon petit déjeuner. Je lui demande de m’acheter un ananas et des avocats au marché. Pas de charcuterie, j’ai une taille à récupérer.
Mes infusions de fenouil me font le plus grand bien pour la digestion. Bientôt un ventre plat. Les dimanches matins, je cours au bord du fleuve Congo et les mercredis je participe à un cours d’aérobic. Je précise : un mercredi sur deux. Il me faut un temps de récupération, je n’ai plus vingt ans.
Mes prières n’ont pas été entendues. Apparemment, Dieu ne peut rien faire contre cela. Je crois que je l’aime toujours – ma chère Pénélope kinoise -, mais je parviens à moins penser à elle. Aimer sans penser, c’était peut-être cela la solution, car les femmes savent quand on les aime et sentent quand on pense moins à elles. Bientôt, nous nous verrons. Rien que nous deux, quelque part pour un tête-à-tête. Les retravailles et les départs sont toujours des moments émouvants. On sonne à nouveau. Ce n’est pas Jean comme je le pensais, mais mon coiffeur. C’est vrai, j’avais oublié qu’aujourd’hui il faudra tondre mes cheveux blancs. Par inadvertance, il m’a rasé les sourcils. Pour corriger sa faute, il propose de tracer un trait de crayon noir à la place. Je refuse catégoriquement. Je veux bien mettre un jean moulant, porter des baskets orange, faire de l’aérobic, avoir un ventre plat, mais il est hors de question que je me maquille.
Enfin, Jean est de retour. Je vais découper moi-même mon ananas pour d’évidentes raisons d’hygiène. Au passage, je remets une fois de plus le vingt-deuxième CD de Vivaldi.
Une insurrection des vulnérables face aux infaillibles
Toujours cette plaisante inspiration qui te fait défaut?.. J'adore en fait que toutes tes histoires se croisent par de simples détails... La vie et ainsi faite... ton écriture reste toujours un grand plaisir
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