Aujourd’hui, Jean n’est pas venu travailler. Et comme par hasard, un CD manque dans mon coffret de Vivaldi. Il s’agit bien sûr du vingt-deuxième CD. Une simple coïncidence ? Sans doute. Je ne porterai pas plainte, bien que je tienne beaucoup à ce CD en particulier. Personne à la police ne pourrait croire que Jean ait pu le voler pour ensuite s’enfuir en brousse loin de la capitale. Un suspect doit correspondre à un certain profil. Je n’ai pas de photo de Jean. De toute façon, aucune enquête ne sera ouverte, aucun portrait-robot ne sera dessiné pour un vol si dérisoire.
Je ne suis pas au bout de mes malheurs. Mon livre de géométrie a également disparu. Je n’oserais pas demander à Jean - quand il sera de retour - s’il a vu ce livre. Qu’est-ce qu’il s’en fiche des espaces vectoriels et des produits scalaires ! Calculer la distance entre un point et une droite, c’est le cadet de ses soucis. Moi, ça me distrait.
Comme tous les mardis, mon coiffeur a réussi son travail hebdomadaire, bien que je n’aime pas trop la forme hyperbolique de ma coupe actuelle. Il n’a aucun mérite à me coiffer car ma tête est ronde. Une tête conique d’extraterrestre aurait été plus difficile à raser avec une tondeuse.
J’ai une parabole à vous raconter. Nous étions assis côte à côte, elle et moi. Nous regardions dans la même direction, admiratifs d’un ciel azuré. Nos regards étaient parallèles comme deux droites qui se touchent à l’infini. Au moment de nous quitter, j’espérais une marque d’affection, en géométrie on appellerait cela « un baiser asymptotique». A la place, elle me tendit la main. J’ai pris la tangente et suis rentré tranquillement chez moi. J’ai dormi avec un terriblement mal de tête. J’avais mal au sinus.
Les échecs c’est de la trigonométrie. La musique, c’est de l’harmonie pythagoricienne. Tout ce qui nous entoure et tout ce qui nous gouverne sont régis par les mathématiques, sauf l’amour. Qui connaît l’équation cartésienne de l’amour ? Pourquoi les personnes qui s’aiment sont-elles éloignées et celles qui n’ont rien à voir entre elles se marient-elles ? La réponse se devine aisément, une inconnue s’est introduite dans l’équation de nos vies, tel un grain de poussière d’étoile qui viendrait modifier la trajectoire de l’univers.
Je finirai par retrouver mon CD de Vivaldi quelque part dans ma chambre à côté d’un vieux livre ouvert. Jean n’est pas responsable, mais par sécurité il serait prudent de disposer de son portrait-robot. En attendant, j’écoute les « quatre saisons » dans un pays où il n’y en a que deux : la saison sèche et la saison des pluies. Justement, ce matin il pleut sur la ville comme il pleut dans mon cœur.
Une insurrection des vulnérables face aux infaillibles
Le parallèle y est agréable. Si tout ce segmente tout par d'un point qui a pour objectif d'aller se lier à autre point. L'amour a tant de forme. De la droite fusionnelle au triangle amoureux et Jean passe. Jean vole pour s'évader. Chaque moment est un vecteur de rencontre puis de séparation. Il faudra cependant abolir la coupe au bol de vos cheveux. Changez donc de coiffeur, mettez le au poteau. Il abime vos racines à force de bâcler son travail sous tout les angles. Sa fonction trop linéaire n'est plus au goût du jour. Et la fonction de vos cheveux s'affine, mettez vous donc au carré
Un conseil, changez de disque. Le beau Danube Bleu est en vogue et forme à lui tout seul une rivière d'émotion. Bonne écoute, à bon entendeur.
Je n'avais encore rien lu de vos écrits. C'est maintenant chose faite et j'ai trouvé en vous les qualités d'un écrivain au style rodé apportant émotions, interrogations, humour à des degrés divers et une facilité de description des lieux et des sentiments franchement exposés ou laissés sous-jacents. Le tout, dernièrement, porté par la musique de Vivaldi.
Je vous remercie pour ces moments de lecture agréable, fluide et légère nous entraînant de la Belgique aux quatre saisons vers une Afrique aux deux saisons. Merci pour votre humour (Je songe à votre coiffeur.) J'aurai grand plaisir à vous lire dorénavant.
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