Comme il y a des coupures d’eau à répétition, j’ai décidé d’installer une citerne dans mon appartement. Régulièrement, je surprends Jean en train de tremper son verre dans la citerne. Je lui ai interdit cela, mais il continue à le faire. Pour savoir dans quelle mesure il contamine la réserve d’eau, un jour j’ai discrètement pris son verre pour le faire analyser. Quand je suis allé chercher les résultats, on m’a dit qu’une substance étrange a été détectée, une sorte bave proche de celle des batraciens. Je n’en croyais pas mes oreilles, Jean serait-il un extraterrestre ? Pour en avoir le cœur net, j’ai subtilisé une de ses vieilles chemises pour que le même laboratoire de biotechnologie puisse analyser sa sueur. Même résultat.
Il est huit heures. Avant qu’il ne commence la lessive dans la buanderie, je le convoque au salon. Je le dévisage longuement sans rien dire. Effectivement quelque-chose m’intrigue dans son regard.
« Jean, j’ai fait analyser ta sueur et ta salive. Voici les résultats du labo. Maintenant, tu peux avouer. D’où viens-tu ? Ta planète s’appelle Véga ? Elle appartient à quelle constellation ? Avez-vous une base sur la face cachée de la lune ? »
Il hésite. Ses mots incompréhensibles sont peut-être des aveux balbutiés dans une langue inconnue. Les souvenirs des dessins animés de mon enfance me reviennent. Je lui demande de ne plus bouger de peur qu’il ne sorte son pistolet à rayon Delta. Une info à la télé va définitivement clore notre discussion. « Un jeune stagiaire a mélangé tous les tubes d’analyse créant un désordre indescriptible dans un laboratoire de biotechnologie où des analyses pour le zoo de Kinshasa étaient aussi effectuées ». Donc, Jean n’est absolument pas un reptilien. Je me confonds en excuses. J’avoue m’être un peu emporté lors de son interrogatoire. Il peut poursuivre ses tâches ménagères.
Il est dix heures. Il me sert une tasse de café mais oublie la sous-tasse qui l’accompagne. Alors qu’il s’en va à la cuisine, je lui dis : « tu as oublié la soucoupe ». Et là, il se retourne... étonné.
Une insurrection des vulnérables face aux infaillibles
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