Tardi, C'était la guerre des tranchées, pages 8, 12, 22...
"Ils s'embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours mais le cavalier n'avait plus sa tête, rien qu'une ouverture au-dessus du cou, avec du sans dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire mal ce coup là au moment où c'était arrivé. Tant pis pour lui ! S'il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé. Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble. Des obus éclataient encore à la droite et à la gauche de la scène."
"Tac ! Tac ! Tac ! Les coups de fusil, la canonnade. Au dessus de nous, partout, ça crépite ou ça roule, par longues rafales ou par coups séparés. Le sombre et flamboyant orage ne cesse jamais, jamais. Depuis plus de quinze mois, depuis cinq cents jours, en ce lieu du monde où nous sommes, la fusillade et le bombardement ne se sont pas arrêtés du matin au soir et du soir au matin. On est enterré au fond d'un éternel champ de bataille ; mais comme le tic-tac des horloges de nos maisons, aux temps d'autrefois, dans le passé quasi légendaire, on n'entend que cela lorsqu'on écoute."
Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
pour les deux extraits cités
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