Il était une fois un pauvre pêcheur que la nature avait accablé de tous les maux possibles .Il était déjà très miséreux : sa cabane ne résistait pas aux pluies de l'automne, ni aux vents glaciaux de l'hiver ; sa barque était en piteux état et flottait à peine sur l'eau ; il n'avait comme vêtement qu'un pagne moisi et son filet troué de pêche ; mais surtout il était fort laid . Il était si laid qu'il répugnait tout être, ce qui l'obligeait à vivre reclus, sur les bords d'un marécage nauséabond . Jamais, il ne se plaignait de cette vie dure et austère qu'on lui imposait . Chaque matin, il se levait aux aurores pour aller pêcher et n'avait comme compagnie que le seul croassement inquiétant des crapauds . Il ne connaissait rien aux plaisirs, aux loisirs, ni même à l'amitié et à l'amour. C'était un homme frustre qui pêchait pour survivre et qui vivait parce qu'il le fallait . Un matin, alors qu'il tendait son filet comme en son habitude , il aperçut une lumière dans les brumes matinales . Quelqu'un s'était perdu dans ce territoire hostile qui était sien et poussait des gémissements . Le pêcheur eut d'abord un mouvement de recul , étant peu habitué à voir d'autres hommes, puis il rama jusqu'au lopin de terre d'où la lumière émanait . Et son étonnement fut plus grand encore quand il vit que l'homme était assis sur un rocher couvert de mousse et entouré de toutes parts par les eaux , et surtout sans flambeau , ni torche, ni même sans une bougie . L'homme ne paraissait pas bien grand et fort . Tout amaigri , il était replié sur lui-même, cachant de ses mains sales , sa tête parfaite. En effet , il était paradoxalement très beau du visage . Vêtu légèrement de quelques lambeaux de tissu , il laissait en entrevoir un squelette, un homme très aminci . L'homme se tourna vers le pêcheur et , d'un regard suppliant, lui dit : "_ Nourris-moi et offre moi ton toit ! En échange je te rendrai le plus heureux des hommes de ce monde ." Le pêcheur, mal à l'aise, poussa le bord de sa pagaie et détourna le regard de la lumière . Ce jour-là , il eut peine à retrouver son chemin et rentra chez lui, au soir, et sans rien à manger . Le ventre vide, il se coucha sans repenser à l'homme dans les marées . Le lendemain, alors qu'il avait pris la direction opposée de la veille , pour être sûr de ne pas croiser l'homme mystérieux , il aperçut à nouveau de la lumière . Il voulut résister à la tentation d'aller voir mais presque divinement , sa barque se dirigea vers la faible étincelle . Et il vit le même homme que la veille ,et l'homme lui redemanda la même chose . Réfléchissant au jour précédent , et sachant qu'il aurait du mal à revenir chez lui , il accepta d'aider l'homme . Celui-ci sourit et se présenta ; il s'appelait Falséo . Le pêcheur retrouva rapidement son chemin . Alors , il voulut s’arrêter en chemin pour pêcher quelques poissons , Falséo le retint et lui dit de poursuivre son chemin . Intrigué mais n’osant le contredire , le marin reprit sa route. Une fois chez lui , il aida cet étrange compagnon à descendre sur la terre et l’amena chez lui . Quand il ouvrit la porte, grande fut sa surprise . Sur sa table miséreuse , l’attendait un grand festin . Des mets de toutes sortes : du mouton , du porc, du poulet baignant dans une sauce blanche aux champignons , du poisson dans une huile d’olive et frit , de nombreux légumes venaient décorer les plats, du pain reposait dans la corbeille et les fruits attendaient sagement sur une planche à côté de ce buffet . Les odeurs qui s’en échappaient , étaient envoûtantes , à tel point qu’on se saurait cru au séjour de Dionysos . Le pêcheur se retourna vers Falséo qui se contenta de lui sourire . Il se mirent à table et engloutirent tous ces mets en parlant peu. A la fin du repas, le pêcheur prépara la couche de son invité et ils s’endormirent rapidement, le ventre bien rempli . Le pêcheur eut le sommeil très agité ce soir-là . Dès que les premiers rayons de soleil vinrent le réveiller , le pauvre sentit que quelque chose avait changé . Son lit était doux, son oreiller parfait. Des draps, s’échappaient des senteurs de fleurs : rose, tulipe, magnolia . Il était vêtu chaudement . Il se retourna vers Falséo qui lui souriait à nouveau . Profitant de ce luxe, il visita sa nouvelle demeure, pièce par pièce , fit connaissance des valets et de ses domaines . Ce jour-là , le petit pêcheur des marrées était devenu le seigneur des lieux . Tout le monde s’activait pour le servir, le cajoler , le cocoler , et dans la nouvelle maisonnée , l’on ne respirait que pour le seigneur . Le pêcheur prit rapidement goût à cette vie ( comme l’on prend communément goût au pouvoir) et devint un vrai tyran, formant son autorité sur la crainte , comme s’il se vengeait de sa vie âpre . Plus la journée passait , plus le sourire de Falséo diminuait . Bientôt vint l’heure de se coucher et le Seigneur s’endormit dans sa couche douillette . Le sommeil fut très agité et au petit matin , il retrouva son lit poussiéreux et son pagne troué . Le regard accablé , il se tourna vers Falséo qui ne souriait plus et qui lui dit : « _ Merci , mon cher ami, vous fûtes hier l’homme le plus heureux du monde , goûtant aux mille délices du pouvoir, aujourd’hui vous êtes celui que vous devez être . Je me présente , l’on me nomme le Roi des Illusions. » A ces mots, Falséo disparut. Le pêcheur abattu se lamenta jour et nuit de sa mésaventure et ayant goûté au pouvoir, il ne put se résoudre à retourner pêcher , si bien que certains disent que le pêcheur, attristé et démoralisé , par ce dur retour à la réalité , préféra se laisser noyer et mourir pour tout oublier .
Mes chers amis , retenons de ce conte, ni la mort tragique du pêcheur , ni la rencontre avec Falséo , ni même ses pouvoirs, mais quelque chose de bien plus important. L’illusion est partout en ce monde , certains la manient, certains la subissent , tout le monde apprend à vivre avec. Ce qui est sûr ,c’est qu’à croire toucher les étoiles, on se brûle les ailes et la chute est mortelle .
Retenons également que le luxe n’est qu’une illusion intemporelle et qu’il vaut mieux être riche d’humanité plutôt que riche d’argent .
J'ai pris un poème au hasard, et il faut croire qu'il fait vraiment bien les choses, car sincèrement, je suis sans voix après une telle lecture. Quelle leçon de sagesse!! Un grand coup de coeur pour ce sublime écrit . Un texte magistral Mille bravos . Amicalement. Symphonie
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