La vieille bâtisse découpait l'horizon quand le crépuscule pointait... Laissée à l'abandon peut-être et, surtout, au fracas incessant des vagues qui grignotaient les contrebas de la falaise. D'aucuns disaient qu'à la tombée de la nuit, l'on entendait des cris ou bien toutes sortes de musiques inquiétantes... Mais tous étaient bien ignorants... Moi, je savais…
Je savais que l’enthousiasme de ceux qui m’accompagnaient était comme enflammé par l’alcool qui parcourait leur veines. J’avoue que moi-même je n’avais pas refuser tout ces verres que l’on m’avait tendu, boissons sucrées, douces comme du nectar, si enivrantes.
FLASHBACK
Tout est noir. J’ai le souffle court, ma tête tourne au point que ma reprise de conscience est sur le précipice de l’abandon au lourd sommeil. J'ai conscience de mes doigts, de mes bras et de mes jambes. L’air qui entre dans mes poumons est comme poussiéreux et salin. Les minutes passent, les heures peut-être. J’attends d’être vraiment là, à l’instant présent. Je me redresse, assise, je sens le sol, les cailloux torturent mes fesses. Je tente de me lever. L’humidité emplit l’air. Je suis perdue. Comment puis-je être ici ? Mais avant tout, quel est cet ici ? Suis-je morte ? Je cligne des yeux et je ne vois rien. Aveugle du monde, aveugle de ce trou, aveugle dans toutes mes questions. Je ne suis pas morte, je souffre. Je ne suis pas aveugle, l’obscurité ne vient pas de moi mais de l’environnement. Pourquoi cet endroit ? J’avance, fébrile, et me heurte rapidement à un mur, je prends la direction opposée, un autre mur. Je parcours l‘enceinte, les mains glissant sur la pierre humide. La pièce est carrée, mesure environ trois mètres par trois mètres. Je marche sur quelque chose. Je me baisse, trouve le contact d’un tissu. Ma veste. Mon briquet. Mon téléphone portable. Je me précipite sur ce dernier. Il me reste de la batterie. Je suis sauvée. Faux espoir. Pas de couverture réseau. Et mon cœur qui s’éteint.
La crise me frappe, violente, tempête, ma tête explose. Les ombres naissent, se détachent des murs et m’étouffent, mon corps s’agite, compulsion, mon cœur poursuit le marathon de l’obscurité, je vais mourir, là, dans ma tombe pré-creusée, au milieu de nulle part. J’entends cette mélodie infernale, celle qui nous exprime la solitude de la mort, la souffrance de la vie quittant lentement le corps, la faim qui déchire l’estomac et le feu d’une gorge desséchée. Le corps se relâche après les convulsions, et ne retient plus rien, l’odeur putride de l’humain qui dépérit. Les monstres de mon enfance naissent de la poussière et m’étouffent, ils entrent dans mes poumons. Mon intérieur est un caveau renferment l’enfer de mes doutes. Ils tirent sur les coutures de ma peau. Il ne me reste plus qu’à imploser, supernova de sentiments, dont le destin est un amas de résidus.
Je me réveille, le monde tourne, mon front est brûlant. Une fête étudiante. Des rires, des cris, un jeu de frayeur, un bizutage par la peur et l’adrénaline. Des souvenirs comme des photos à l’apparition décadente, décalente, si rapide. Une maison abandonnée, un plancher croulant, un grand bruit. Puis plus rien.
Mon corps ne peut rester ici, il faut que je sorte, je suis enfermée dans une prison de pierre. Je ne peux rejoindre la terre. Mais comment m’évader ? Une journée d’intégration, tout le monde rit, tout le monde vit, mais personne en particulier, car les gens sont un ensemble et que personne ne se connaît.
Ce que je ne savais pas… c‘est, qu’au milieu de la fête lugubre, sur un air d‘orgue déchaîné, le planché craquerait et qu’ une armoire recouvrirait le trou béant de la liberté. Cette bâtisse près de la mer, entourée de falaises était en contrebas, sur une minuscule plage de galets épais. J’ignorais que celle-ci subissait les aléas de la marée, que l’eau s’infiltrait dans la cave depuis le dernier glissement de terrain, en 1950, noyant ainsi la partie inférieure de la maison et tout ce qui s’y trouvait…
J’ai froid. Voilà huit heures que je suis enfermée, mon portable n’a bientôt plus de batterie. Je repense un peu à tout. Comme tout ceux qui savent que leur fin approche à grand pas. Je pense à ceux que je n’ai pas su aimer, ceux que j’ai trop aimé et ceux que j’aurais du oublier. J’imagine tous les gens que je ne pourrai rencontrer, tous les paysages que je ne pourrai admirer, et sa peau qu’il me sera impossible de toucher. Une pluie balaye mes yeux. Je m’allonge sur le côté, attendant que tout passe : mes larmes, le temps, ma vie. Ma main se pose… dans une flaque ? Je me relève. Quelques minutes s’écoulent, et de l’eau aussi… La cave, petit à petit, se remplit. Le niveau monte, mes pieds sont submergés, mes chevilles, puis mes genoux. Le liquide est glacial, je suis engourdie. Je ressens une déchirure dans mon bassin lorsque celui-ci se fait agressé par l’eau pétrifiante. Alors je comprends que la situation est urgente, je panique, j’hurle. Mais personne ne m’entends. Mon ventre, et je me rappelle le doux sourire de ma défunte mère. Ma poitrine, le souvenir de mon premier amour prend place. Mes épaules, la douceur de ses baisers… Le cou, je panique, j’ai froid, je vais mourir, dans l’océan, qui se fait pour moi, si ridiculement petit. Je crie à m’époumonner, à me déchirer les cordes vocales, je me débats. Ma bouche sera bientôt recouverte du linceul glacial. Trop tard, une dernière bouffée d’air. Le temps passe, les secondes comme des heures. Une lumière m’attend. Et je ne pense à rien. J’attends. L’eau s’infiltre dans mon nez, ma trachée, elle me caresse et me brûle. Néant.
Ce dont je ne me doutais pas, c’était qu’un étudiant avait oublié son portable dans la pièce supérieure de la bâtisse, et qu’il viendrait le chercher, alarmé par les cris. Quelle douce coïncidence qu’il s’appela Gabriel, comme l’ange de la mort. Il parait que je reçus un massage cardiaque, puis, que je fus conduite jusqu’à l’hôpital le plus proche.
Aujourd’hui je me réveille, je prends une bouffée d’air, et dans les yeux de Gabriel, une bouffée de vie…
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