Partez. Je ne veux voir personne quand je me démaquille. Ma loge est interdite au public. Je suis une star, ne l’oubliez pas.
Vous ressemblez tellement à ma secrétaire quand je l’ai engagée. Revenez me voir demain un peu plus tôt. Nous écouterons du B.B. King. Je vous servirai de l’enchaud : un filet de porc cuit confit dans la graisse de canard. J’ai encore quelques bonnes bouteilles de vin. On ouvrira un Bergerac de votre âge. Je remettrai mon décolleté, ma montre en or, mon rouge à lèvres bordeaux, mon parfum aux agrumes, mes talons aiguille, mes faux ongles. Il est tard. Avec la fatigue mon corps perd sa souplesse, sa légendaire capacité à s’arc-bouter, mais je vous promets d’être en forme demain. « Pour que tu me gamahuches, pour que tu me touches, pour retrouver l’amour que je faisais à quinze ans, pour quitter ce monde en le regrattant ».
Non, ne partez pas ! Vos couettes sont superbes.
J’ai fait le bilan de ma vie. Un moine m’a absoute. Le sang de l’agneau m’a rendue vierge de mes péchés. Cela m’a valu plusieurs mea culpa. J’ai également plaidé coupable auprès de l’administration fiscale. Une amende record m’évitera un procès. Je n’ai plus de compte à rendre à l’Etat, ni à Dieu. Je ne veux pas non plus rendre des comptes à la morale au nom du bien ou du mal. Au lieu de me laisser mourir dans le Périgord, empêtrée dans mes souvenirs, grâce à vous je repars à zéro. Merci d’être venue. Je veux seulement vérifier une dernière chose. Êtes-vous majeure ? C’est à vous de parler maintenant. Autant j’aime le silence des hommes, je suis sensible à la parole des femmes.
Une insurrection des vulnérables face aux infaillibles
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