J’ai publié il y a quelque temps « Le fil de soie », texte énigmatique que je tente ici d’expliquer. Je dédie ce travail à Paul Mur, qui a pris -avec d'autres - le temps de lire le texte initial et surtout de me suggérer d’en fournir une grille de lecture. Il serait illusoire de prétendre expliquer le Tai Chi Chuan, discipline incroyablement riche et complexe. Ces explications sont le fruit d’une interprétation toute personnelle issue de ma pratique ...
Le fil de soie Tentative d’explications sur un art martial : le Tai chi chuan
D’abord, il n’y a pas Il n’y a rien sur la scène, ni nulle part, d’ailleurs, c’est un peu comme avant le commencement du monde
Puis l’évidence d’un tout, posé là, au monde, un Ce tout, c’est l’artiste martial qui s’est installé debout. Il est « un » car il est immobile et les sensations sont encore indistinctes dans son corps.
Lien entre ciel et terre Le sommet de sa tête est attiré vers le ciel et le poids du corps coule et traverse ses appuis pour s’enraciner profondément dans la terre. L’artiste martial est comme un trait d’union entre le ciel et la terre.
Se décante le dense, en surgit le léger, deux Emerge le mouvement d’eux, Il se produit alors une sensation de densité dans le bas du corps et de légèreté en haut. Le Yin et le Yang, qui vont se transformer sans cesse l’un dans l’autre et induire le mouvement ...
et déployant soudain Les points cardinaux, huit, ouvrant les horizons Et jusqu’aux dix-mille êtres ... Les mouvements comprennent des rotations dans toutes les directions géographiques (4 points cardinaux + leurs intermédiaires, Sud-Est, Sud-Ouest, etc.) mais aussi toutes les directions de l’espace. Les dix mille êtres sont souvent cités dans les textes traditionnels chinois.
Pour le boxeur de l’ombre, la liberté du geste Le Tai Chi Chuan peut se traduire – entre autres - par « boxe de l’ombre ». Il y a en effet une signification martiale à chaque mouvement et le pratiquant est ainsi dans la situation de boxer avec une ombre.
Juste équilibre, agir sans agir, contempler Le mouvement n’est pas vraiment produit musculairement ni par la volonté. Il y a une intention et une concentration douces qui contrôlent la détente de différents points du corps. L’artiste martial est autant spectateur qu’acteur de son mouvement.
Ce qui s’étire à son insu entre ses doigts Le fil de soie La continuité du geste peut être comparée au fil de soie que l’on tire, continument et sans à-coups, avec la tension juste nécessaire pour le dérouler de son cocon. C’est aussi du ressenti, par exemple lorsque les deux mains s’éloignent l’une de l’autre en gardant entre elles un lien élastique.
Plaisir sans soi, relié au monde et son flot - Douceur suave et sa joie douce évanescentes – La pratique procure au pratiquant assidu un plaisir très doux qui s’écoule dans le corps, ainsi qu’une sensation que l’intérieur et l’extérieur ne sont pas séparés. Le Tai Chi Chuan me fait parfois penser à la calligraphie à l’eau, discipline qu’on voit souvent pratiquer dans les squares en Chine, émouvante par son caractère éphémère.
Saisi ? S’évade ... Abandonné ? Se perd encore Il ne sert à rien de vouloir obtenir ou conserver ces sensations, car c’est le meilleur moyen pour qu’elles s’enfuient. Mais il faut tout de même un peu les entretenir, sinon elles s’évanouissent ! Il s’agit en quelque sorte de « lâcher sans abandonner »
Pour finir, le Chi indomptable revient pourtant Nourrir. Un des bénéfices de la pratique est de développer le « Qi » (ou Chi), souvent traduit par l’énergie vitale. Le Qi se manifeste par exemple par les sensations évoquées plus haut. L’énergétique chinoise considère que le Qi vient se concentrer au centre de l’abdomen, dans le «Tan tien », mieux connu sous le nom de « Hara » des japonais.
Le centre est là d’où viennent les murmures. Cette phrase est une citation de François Cheng – académicien et poète d’origine chinoise – tirée de « L’éternité n’est pas de trop ». Le Tai Chi Chuan amène peu à peu le pratiquant à une finesse de perception et constitue une inépuisable source de créativité ... Ce qui a tout son intérêt pour nourrir les autres pratiques artistiques... Le Tan tien pourrait bien être le point d’origine de tout, y compris l’inspiration poétique !
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Vint un temps où le risque de rester à l'étroit dans un bourgeon était plus douloureux que le risque d'éclore - Anaïs Nin
Pour avoir un peu pratiqué, j'avais déjà apprécié ton poème, le Chi ayant été également une de mes sources d'inspiration, voir peut-être même ce qui a initié mon écriture ici. Donc quand tu évoques le Tan Tien comme berceau de l'inspiration poétique… ça me parle! Merci Chlamys
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